Arago. Mémoire sur la vitesse de la lumière //Comptes Rendus, 36 (1853): 38-49 (10 dec. 1810)

Arago. Mémoire sur la vitesse de la lumière //Comptes Rendus, 36 (1853): 38-49 (10 dec. 1810)

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J’observerai d’abord que dans l’évaluation des différences auxquelles doivent donner lieti les inégalités de vitesse, je n’ai tenu compte que du mouvement de translation de la Terre, et que celui de notre système doit, en se combinant avec ce premier, être la source de nouvelles inégalités. Quelques étoiles doivent d’ailleurs se mouvoir dans l’espace avec des vitesses très-considérables, puisque, malgré la petitesse de leurs parallaxes, eJJes sont annuellement assujetties à des déplacements très-sensibles ; la vitesse des rayons qu’elles nous envoient doit donc être la résultante de leur vitesse primitive d’émission combinée avec celle de l’étoile elle-même, et varier, par conséquent, avec la grandeur et la direction du mouvement des astres : mais l'une des plus puissantes causes de changements dans la vitesse de la lumière, paraît devoir être cependant l’inégale grandeur des diamètres des étoiles.

On trouve en effet, par le calcul, qu’une étoile de même densité que le Soleil, et dont le diamètre serait un petit nombre de centaines de fois plus considérable que celui de cet astre, anéantirait totalement par son attraction la vitesse de ses rayons, qui n’arriveraient par conséquent pas jusqu’à nous; une étoile vingt fois plus grande que le Soleil, sans détruire complètement la vitesse des rayons qu’elle aurait émis, l’affaiblirait assez sensiblement pour qu’on dût trouver une assez grande différence entre leur réfraction e’t celle des rayons solaires; il suffirait même de supposer que le diamètre d’un astre fut une fois et demie plus grand que celui du Soleil, pour que la vitesse de sa lumière, à la distance qui nous en sépare, fût diminuée de sa -t 0-*00 partie, et donnât, par conséquent, naissance à des inégalités de déviation qui, dans le second de mes prismes, s’élèveraient à 15". Or il paraît peu naturel de supposer que Sirius, la Lyre, Arcturus et quelques autres étoiles qui brillent d’un si vif éclat, malgré leur prodigieuse distance, ne sont pas égales au Soleil. Quoi qu’il en soit, on voit qu’à moins d’admettre, comme je l’ai fait, que dans l’infinité des rayons de toutes les vitesses qui émanent d’un corps lumineux, il n’y a que ceux d’une vitesse déterminée qui soient visibles, on ne pourrait expliquer mes expériences qu’en diminuant outre mesure la densité des étoiles ou leurs diamètres; on arriverait, par exemple, à ce résultat singulier, que dans le nombre infini d’étoiles dont la voûte céleste est parsemée, il n’y en a pas une seule de même densité que la Terre, et dont le volume égale en même temps celui du Soleil.

Il ne sera peut-être pas inutile de noter que les observations dont je viens de rendre compte et la supposition qui les explique se lient d’une manière très-remarquable aux expériences de Herschel, Wollaston et Ritter. Le

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premier a trouvé, comme on sait, qu’il y a en dehors du spectre prismatique et du côté du rouge, des rayons invisibles, mais qui possèdent à un plus haut degré que les rayons lumineux la propriété d’échauffer; les deux autres physiciens ont reconnu, à peu près dans le même temps, que du côté du violet jl y a des rayons inyisibles ej sans chaleur, mais dont l’action chimique sur le muriate d’argent et sur plusieurs autres substances est très-sensible. Ces derniers rayons ne forment-ils pas la classe de ceux auxquels il ne manque qu'une petite augmentation de vitesse pour devenir visibles, et les rayons calorifiques’ ne seraient-ils pas ceux qu’une trop grande vitesse a déjà privés delà propriété d’éclairer? Cette supposition, quelque probable qu’elle puisse d’abord paraître, n’est pas rigoureusement établie par mes expériences, dont il est seulement permis de conclure que les rayons invisibles par excès et par défaut de vitesse, occupent respectivement sur le spectre la même place que les j-avons calorifiques et chimiques. Il est d’ailleurs très-remarquable qu’on eût pu ainsi, et par des observations purement astronomiques, arriver à la connaissance des rayons invisibles et extérieurs au spectre, dont les célèbres physiciens que nous avons cités n’ont reconnu l’existence qu’à l’aide d’expériences délicates faites à f aide de thermomètres très-sensibles et de substances dont la couleur est altérée par l’action de la lumière.

Je n’ai point comparé, dans ce qui précède, mes expériences au système des ondulations, parce que l’explication qu’on donne de la réfraction repose dans ce système sur une simple hypothèse qu’il est très-difficile de soumettre au calcul, et qu’il m’était, par suite, impossible de déterminer d’une manière précise si la vitesse du corps réfringent doit avoir quelque influence sur la réfraction, et, dans ce cas, quels changements elle doit y apporter.

Je me suis uniquement attaché à montrer qu’en supposant que les rayons lumineux ne sont visibles que lorsque leurs vitesses sont comprises entre des limites déterminées, mes expériences peuvent se concilier parfaitement avec la théorie newtonienne. Mais si les limites qui déterminent la visibilité des rayons sont, comme il est probable, les mêmes pour divers individus, l’inégale densité des humeurs vitrées doit faire apercevoir des rayons inégalement rapides; il résulterait de là que deux personnes regardant une même étoile, dans le même prisme et dans des circonstances analogues, pourraient la voir inégalement déviée. Le résultat de cette expérience, quel qu’il puisse être, paraît devoir fournir quelques données sur le genre.de sensation qui nous fait apercevoir Jes objets. Il m’a semblé que le seul moyen de rendre ces essais bien décisifs était d’y employer des prismes



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