Arago. Mémoire sur la vitesse de la lumière //Comptes Rendus, 36 (1853): 38-49 (10 dec. 1810)

Arago. Mémoire sur la vitesse de la lumière //Comptes Rendus, 36 (1853): 38-49 (10 dec. 1810)

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un instant indivisible à une distance double de celle qui séparait les deux observateurs. Des expériences analogues que firent les Membres de l’Académie del Cimenta, mais pour des distances trois fois plus considérables, conduisirent à un résultat identique.

Ces épreuves semblent, au premier aspect, bien mesquines, lorsqu’on songe à la grandeur de leur objet; mais on les juge avec moins de sévérité, quand on se rappelle qu’à peu près à la même époque, des hommes, tels que lord Bacon, dont le mérite est si généralement apprécié, croyaient que la vitesse de la lumière pouvait, comme celle du son, être sensiblement altérée par la force et la direction du vent.

Descartes, dont le système sur la lumière a tant d’analogie avec celui qu’on désigne par le nom de système des ondulations, croyait que la lumière se transmet instantanément à toute distance ; il appuie d’ailleurs cette opinion d’une preuve tirée de l’observation des éclipses de Lune. Il faut convenir que son raisonnement, très-ingénieux, prouve, sinon que la vitesse de la lumière est infinie, du moins qu’elle est plus considérable que toutes celles qu’on pouvait se flatter de déterminer par des expériences directes faites sur la Terre à la manière de Galilée.

Les fréquentes éclipses du premier satellite de Jupiter, don! la découverte suivit de près celle des lunettes, fournirent à Roëmer la première démonstration qu’on ait eue du mouvement successif de la lumière. La connaissance encore très-imparfaite des mouvements des autres satellites, la difficulté d’observer exactement leurs éclipses, et quelques inégalités inconnues qui, en se combinant avec celle qui dépendait du mouvement de la lumière, en masquaient les effets, les rendaient moins saillants, et empêchaient, par conséquent, de la reconnaître, firent quelque temps rejeter la découverte de Roëmer; elle ne fut même généralement admise que lorsque Bradley eut montré que ce mouvement annuel, auquel toutes les étoiles sont assujetties, et qu’on nomme Yaberration, dépend de l’effet combiné du mouvement de la lumière avec celui de l’observateur. La vitesse qu’on avait déduite de ce dernier phénomène différait un peu de celle qu’on obtenait par les éclipses du premier satellite; mais la perfection à laquelle on a porté les Tables, par les travaux de M. Laplace, a permis de revenir sur ces premiers calculs; la constante de l’aberration que M. Delambre a trouvée par la discussion d’un très-grand nombre d’éclipses de satellites, est absolument la même que celle que Bradley avait déduite de ses observations.

La première conséquence qu’on puisse tirer de cet accord remarquable,

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est que la lumière se meut uniformément, ou du moins sans aucune variation sensible, dans tout l’espace compris par l’orbe de la Terre; l’excentricité de l’orbe de Jupiter permet d’étendre ce résultat à l’immense intervalle qu’il embrasse. Il est d’ailleurs assez naturel de supposer que les étoiles de diverses grandeurs sont inégalement éloignées; et, comme leurs aberrations absolues, déduites des observations directes, sont sensiblement les mêmes, Bradley en avait conclu que le mouvement de la lumière est uniforme à toutes les distances, et que l’aberration de tous les corps célestes peut se calculer avec la même constante. Quelques astronomes n’avaient cependant pas adopté ce résultat; ils soupçonnaient que les étoiles de diverses grandeurs peuvent émettre les rayons avec différentes vitesses, et il faut convenir que cette idée, surtout dans le système de l’émission, était à la fois naturelle et probable. L’observation directe de l’aberration était peu propre à résoudre cette question d’une manière décisive, puisqu’une différence dans la vitesse de la lumière égale à de la vitesse totale, ne doit produire dans l’aberration qu’une différence de 1", précision qu’on ne peut se flatter de surpasser, même à l’aide des meilleurs instruments; mais, si l’on se rappelle que la déviation qu’éprouvent les rayons lumineux, en pénétrant obliquement dans les corps diaphanes, est une fonction déterminée de leur vitesse primitive, on verra que l’observation de la déviation totale, à laquelle ils sont assujettis en traversant un prisme, fournit une mesure naturelle de leurs vitesses. Cette méthode est d’ailleurs très-propre à rendre sensibles de légères inégalités ; car, comme il est facile de le démontrer, une différence de vitesses égale à produit dans les déviations une différence de 2', en supposant même qu’on n’emploie qu’u,n prisme dont l’angle ne surpasse pas 45'. Telle est aussi la marche que j’avais suivie dans les expériences dont j’eus l’honneur de communiquer les résultats A la Classe, il y a maintenant plus de quatre ans; les rayons lumineux provenant de diverses étoiles, du Soleil, de la Lune, des planètes et des lumières terrestres, avaient subi la même déviation ; les plusgrandes discordances s’étaient élevées à 5", et ce nombre, qui est la somme des erreurs d’observation et de déclinaison, ne correspond d’ailleurs qu’à de changement dans la vitesse et à de seconde sur l’aberration ; j’avais conclu de ces résultats que la lumière se meut avec la même vitesse, quels que soient les corps dont elle émane, ou que du moins, s’il existé quelques différences, elles ne peuvent, en aucune manière, altérer l'exactitude des observations astronomiques.

Depuis la lecture de mon Mémoire, M. Calendreli a publié, dans ses



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